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L’édition, comment ça marche et combien ça coûte? Cas pratique : les éditions asynchrone

Nous avions annoncé l’année dernière la création d’une maison d’édition en France, afin de continuer à faire évoluer PVH éditions.

Devinez quoi? C’est chose faite.

Les Éditions Asynchrone sont donc nées officiellement en avril 2025 et se chargent de la nouvelle collection A[syn]chrone, qui paraît sous le label PVH éditions.

Alors, tout ça c’est bien beau me direz-vous, mais il ne s’agit à nouveau que d’un moyen d’enrichir les éditeurs sur le dos des auteurices, en vue de partir avec la caisse pour les îles Caïman!

Pas tout à fait. Et pour être bien sûrs de la manière dont les choses se passent, nous allons plonger dans les méandres de l’édition et de l’administration française…

une naissance difficile

Celles et ceux parmi vous qui ont déjà eu l’occasion de créer une société le savent : l’administration française n’est pas là pour nous faciliter la vie. De décembre 2024 à mars 2025, je me suis donc arraché les cheveux pour trouver une forme légale à l’existence de cette nouvelle maison d’édition. Il n’y a pourtant à priori rien de bien sorcier dans cet exercice, des milliers de sociétés existent, vivent et meurent chaque jour… C’est ce que je me disais également, naïf que j’étais à l’époque. En effet, notre cas présente une petite singularité (et les singularités, l’administration déteste ça!): PVH éditions est une société suisse.

Damned… Il va falloir ruser.

La forme que nous avions tout d’abord envisagée (PVH éditions, en tant qu’entité devait être propriétaire des Éditions Asynchrone, puis me salarier en tant que Directeur éditorial) donnait des frissons aux banques, à l’urssaf, au tribunal de commerce, à tel point que rien ne semblait possible de ce côté. De plus, afin d’instruire un dossier, une société se doit d’avoir une adresse de référence fiscale sur le territoire français… sans ça, point de salut.

Revirement donc, et nous voici partis sur un modèle de SAS, dans lequel je serais actionnaire minoritaire (hé oui, afin d’ouvrir un compte bancaire professionnel, il faut que le demandeur appartienne à la liste des actionnaires… et sans compte professionnel, pas d’ouverture de dossier possible), et Lionel (M. PVH, résident suisse) président/actionnaire majoritaire. Nous avons dû également improviser une délégation de pouvoir me conférant autorité pour tout ce qui relevait de la gestion administrative, sans cela nous étions coincés. Une fois ceci fait, nous avons pu domicilier la société Asynchrone à mon adresse française, ouvrir un compte en banque, instruire un dossier de création d’entreprise et enfin avancer (je vous épargne les démarches pour la domiciliation, c’était une aventure en soi).

Tout ceci nous a donc déjà occupé plusieurs mois, puisque bien sûr, le moindre échange avec les banques, les préfectures et autres organismes, n’est pas instantané: remplir des dossiers/cerfas/contrats sur son âme, les faire examiner, attendre les retours, fournir de nouveaux justificatifs, renvoyer le dossier, se faire botter en touche car cas particulier, renvoyer d’autres formulaires, attendre les réponses en croisant les doigts… nous voici en avril 2025.

Vous la sentez l’aigreur administrative? Parce que moi oui!

Il est né le divin enfant!

Voilà, après une longue bataille (on est quand même sur pas loin de 6 mois), nous y sommes, les Éditions Asynchrone sont là. Nous avons une adresse en France, un compte pro, des locaux, un statut légal, un comptable (ça aussi ce fut une aventure) et, cerise sur le gâteau, un numéro de siret.

YOUHOU!!!

Maintenant, nous allons pouvoir revenir sur ce qui constituait notre mission initiale: Éditer des livres. Vous connaissez le processus éditorial? Oui? Non? Allez, pour ceux du fond vers le radiateur, un petit récap':

  1. Trouver des textes de qualité (donc, examen de manuscrits, lecture, échanges avec les auteurs…)
  2. Contacter les auteurs et discuter avec eux de nos méthodes de travail, pour les textes retenus (licence libre, contrats, échanges éditoriaux pour polir le texte)
  3. Signature du contrat et définition des modalités de parution (date de parution, montant de l’à-valoir, pourcentage des droits d’auteur, tirage…)
  4. Travail éditorial, à savoir donc, lecture et relecture des textes, échanges quant aux éventuels besoins concernant ce qui peut être éclairci, amélioré, modifié, cohérence des éléments du texte…
  5. Démarchage d’illustrateurs pour les couvertures, quatrièmes de couverture, éventuelles illustrations intérieures, puis à nouveau les points 3 et 4, mais cette fois appliqués aux illustrations
  6. Examen du texte final et passage en relecture pro pour éliminer les dernières scories
  7. Passage du texte en maquette auprès d’un graphiste
  8. Relecture maquette
  9. Envoi à l’impression, validation des BAT, convention d’une date de livraison
  10. Réception des livres imprimés, stockage, transfert au distributeur
  11. Envoi des exemplaires auteur/illustrateur
  12. Promotion des livres (réseaux, diffuseur, salons…) qui pour bien faire, devrait commencer dès l’étape 6

Douze petits points d’une rapide liste qui n’a l’air de rien comme ça, mais peut facilement occuper une ou plusieurs personnes sur une période allant en gros de 6 mois à 1 an. Dans le cas d’Asynchrone, nous avions repéré deux textes pour le lancement de la collection éponyme : Rush de Thierry Crouzet (un habitué de PVH éditions avec sa série One Minute) et Trois Nuits de Stéphane Arnier, qui nous connaissait via Julien Hirt (Carcinopolis) dont il est bêta-lecteur. Vous avez donc maintenant une idée de ce qui a occupé mes journées entre avril et le 06 novembre 2025, date de parution des deux ouvrages mentionnés.

d’accord, mais combien ça coute tout ça?

Ha, je vois qu’on ne vous la fait pas, on va devoir parler sous. Car oui, des sous, il en faut pour faire tout ça. Quand on lit les chiffres des ventes de bouquins comme ceux d'Amélie Nothomb (20 millions d’exemplaires vendus en 30 ans dans une cinquantaine de pays par Albin Michel), Guillaume Musso (1.3 millions d’exemplaires en 2022), Franck Thilliez (756'000 exemplaires en 2022), ça laisse rêveur et on se dit que forcément, l’édition est une sorte d’Eldorado qui va enfin nous permettre de devenir millionnaires. Hmmmm… Pour contextualiser un peu, il y a une blague qui circule dans les milieux créatifs (musique, édition, spectacle…) qui dit que «pour devenir millionnaire dans l’édition, le seul moyen c’est de démarrer milliardaire». Voilà. À quelques (rares) exceptions près, il vaut mieux arriver dans l’édition par passion que par appât du gain. D’autant que l’espace est déjà bien occupé par ce que nous appellerons (par pudeur et correction) les «Grands groupes» (un certain nombre de qualificatifs un peu plus colorés me viennent à l’esprit, mais restons polis… pour l’instant).

quelques chiffres sur l’édition en France pour vous donner une idée?

En 2024, le chiffre d’affaires global des éditeurs en France était de 2'901.6 millions d’euros. Pas mal hein? Bon, on va relativiser tout ça très vite. D’après le Syndicat national de l’édition, il existerait en France environ 10'000 maisons d’édition. Ok, ça fait du monde, mais le chiffre d’affaires est tellement énorme qu’à priori, on peut quand même bien en vivre, voire en vivre bien. Mouais… tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes sans un second chiffre.

En 2024 toujours, il faut se dire que 75% de ce chiffre d’affaires global revenait à 5 des Grands groupes dont nous parlions plus haut:

  • Hachette (Fayard, Stock, Grasset, Larousse)
  • Editis (La Découverte, Delcourt, Robert Laffont, Nathan)
  • Média Participations (Seuil, Fleurus, Dargaud)
  • Madrigall (Gallimard, Flammarion, Folio)
  • Albin Michel

Si on ajoute les 5 groupes suivants au classement, on passe à 87% du chiffre d’affaires global, soit en gros 2'524.4 millions d’euros à partager entre les dix premiers. Ce qui nous laisse 377.2 millions à répartir entre les 9'000 et quelques éditeurs restant. Soit: pas grand-chose, sachant qu’au sein même des «restes», les disparités sont énormes.

Le corollaire derrière ces chiffres, c’est que la présence en librairies est bien sûr proportionnelle et étroitement liée à ce classement.

Quand un groupe sort un titre (au hasard: Le journal d’un prisonnier, chez Fayard, enfin… Bolloré) à disons 100 ou 200 mille exemplaires pour un premier tirage, vous imaginez la place que ça laisse à la littérature de genre sur les rayons des libraires, car soyons francs, nous n’avons pas tout à fait le même impact en termes de diffusion/distribution/communication. Mais ça, c’est une autre histoire…

Allons un peu plus dans le détail avec le cas Asynchrone

En France, on n’aime pas parler chiffres. Soi-disant, ce serait indécent. Bon, personnellement je m’en cogne et estime qu’un peu de transparence permettrait au contraire d’éviter bien des dérives. La preuve par l’exemple.

Concernant Asynchrone, je suis salarié. Rien que ça, ça représente beaucoup dans le monde de l’édition. Entendez par là, qu’une majorité de maisons fonctionne avec peu, voire pas de personnel salarié (entre 30 et 42% suivant les sources), le plus souvent avec un dirigeant qui ne perçoit que peu ou pas de salaire à son tour. Pour des chiffres plus précis (bien que pas forcément représentatifs de l’ensemble du monde de l’édition), voir l'étude commandée par la feidei (Fédération des éditions indépendantes) qui fut présentée à Bordeaux lors des deuxièmes Assises nationales de l’édition indépendante en février 2025.

Or donc, je suis l’unique salarié des Éditions Asynchrone et mon poste se divise en deux parties d’un point de vue administratif:

  • 30% en tant que Directeur éditorial
  • 40% en tant qu’Agent logisticien

Tout ça pour un emploi global à 70%, soit 24.5 heures de travail hebdomadaire.

Précisons tout de suite que ces 24.5 heures de travail servent essentiellement sur le papier. Quand tout va bien et que la charge de travail est moindre, cela peut représenter un peu moins. Quand il y a des sorties en pagaille ou des coups de bourre au niveau de la boutique PVH éditions, le compteur affiche plus.

Partons du principe que sur la durée, tout cela s’équilibre.

Concernant les 30% de Direction éditoriale, cela représente tout le travail administratif lié à la gestion d’une maison d’édition, ainsi que le travail éditorial à proprement parler (vous savez, les différentes étapes que je vous ai listées plus haut).

Pour les 40% en tant qu’Agent logisticien, cela englobe la gestion des envois des commandes passées sur la boutique PVH éditions, le réapprovisionnement du distributeur quand il y a besoin, la gestion du stock PVH en France (dont Asynchrone s’occupe), etc.

Lorsque l’on met les postes bout à bout, on arrive à un salaire net mensuel de 1'500€, ce qui ferait rêver beaucoup d’éditeurs, soyons francs.

Pour un médecin, ça paraîtra sans doute risible, mais en France, vu par la lorgnette d’un employeur, ça représente déjà une somme. Pourquoi? Les charges sociales et salariales. Une fois incluses, cela représente pas loin de 3'000€ :

  • 1'561€ de salaire
  • 934€ d’URSSAF
  • 85€ de mutuelles
  • 213€ de cotisations retraite

Cela peut bien sûr varier selon les mois, car il faut ajouter là-dessus les différents salons littéraires et déplacements. Je ne compte pas les heures travaillées sur les salons (je pense que ce serait un excellent moyen de couler la boite), mais me rembourse les frais de déplacements pour chacun d’entre eux, selon le barème officiel qu’applique mon comptable après transmission du kilométrage (0.665€/km).

En gros, s’il y a un salon dans le mois, comptez en moyenne 200€ de plus en net (oui, j’habite en campagne et suis finalement loin de tout). Petite ruse administrative pour minimiser les charges: je passe les frais kilométriques sur la fiche de paie d’Agent logisticien (ce n’est pas un poste cadre, les charges sociales et salariales sont moins taxées).

Voilà pour la partie «employés» de la maison d’édition. Nous allons pouvoir maintenant attaquer le cœur de notre sujet, à savoir le coût de production d’un livre.

Dis, combien ça coute un livre?

Nous y voilà.

Pour estimer le coût de création d’un bouquin, nous allons prendre en compte uniquement les facteurs bassement matériels de l’opération. En effet, si l’on devait chiffrer équitablement les heures d’écriture des auteurs, veuillez croire que les rayons des librairies seraient beaucoup moins garnis. Nous partons donc du principe que cette rémunération se fera sur la base des droits d’auteurs réalisés via les ventes de livres. C’est un système finalement assez injuste, puisque si l’on veut bien être honnête à nouveau, seuls les ouvrages bénéficiant d’un succès commercial certain permettront à leurs auteurices de gagner quelques sous, au vu de l’investissement que requiert l’écriture d’un bouquin.

Le montant des droits d’auteur est défini lors de l’établissement du contrat entre l’auteurice et la maison d’édition. Il peut varier en fonction de différents critères : la célébrité de l’auteurice, la taille de la maison d’édition, les conditions quant à la session ou non des droits, l’honnêteté de l’éditeur, et j’en passe. Suivant les sources, les droits d’auteur varient entre 5 et 15% du prix de vente ttc du livre (à 5%, on vous prend pour des jambons et à 15%, vous êtes un VIP)… mais ça, c’est la base. En fonction du nombre d’exemplaires vendus, ce pourcentage peut évoluer. Si l’on démarre à 10% par exemple, on passera à 12% à partir du 5'001e ouvrage vendu et 15% à partir du 10'001e. Chaque éditeur fait sa propre tambouille et les contrats sont soumis à négociation avec les auteurices, afin que chacun puisse s’y retrouver au mieux (idéalement).

À cela vient se greffer l’à-valoir. L’à-valoir est une avance sur les droits d’auteur que l’on verse à signature du contrat, à l’auteurice. Ce montant est lui aussi soumis à de fortes variations, en fonction notamment des moyens de l’éditeur et des chiffres de vente qu’il peut espérer dégager. Ce fameux à-valoir n’est pas une somme qui viendrait «en plus» du reste, mais un acompte sur la perception des droits d’auteurs à venir. Concrètement, l’auteurice commencera à toucher des droits d’auteur une fois atteint le palier correspondant au montant de l’à-valoir. Donc:

Premier poste: L’à-valoir

Avec Asynchrone, je suis parti sur 500€ pour une base de droits d’auteur à 10%.

*Petite précision, quelle que soit l’auteurice publiée, les conditions appliquées en termes de droits d’auteur et d’à-valoir seront les mêmes, je considère (tout comme PVH éditions) qu’on est là pour jouer collectif, pas pour faire des classements de rentabilité entre gens publiés par la maison.

Deuxième poste: Les illustrations

Une bonne illustration de couverture, c’est important. C’est le premier contact entre un livre et le lecteur. C’est l’élément qui va attirer l’œil et donner envie (ou non) de lire la quatrième de couverture, avant de repartir avec le livre sous le bras. À ce titre, on ne peut pas la prendre à la légère et «économiser» dessus. De plus, qui tirerait de la fierté à se dire «Oh comme cette couverture est moche, j’ai bien fait de ne mettre que 50€ dedans». Un éditeur aime être fier des bouquins qu’il publie. Pour faire simple, considérez un budget allant de 200€ (si vous travaillez avec des gens qui vous font des prix d’amis) à 400€. Cela peut bien sûr monter beaucoup plus haut en fonction de l’artiste que vous faites travailler, mais à l’échelle d'Asynchrone, c’est la palette de prix qui est retenue.

Concernant Rush et Trois nuits, le budget global illustrations se monte à 850€ pour deux couvertures, deux quatrièmes de couverture, trois illustrations intérieures pleines pages N&B et des culs de lampe. Je ne suis pas un négociateur hors pair, mais j’ai dans mes contacts des gens adorables et talentueux qui ont permis ce luxe d’illustration, pour un budget plutôt très serré, je les en remercie encore.

Troisième poste: La relecture/correction pro/relecture maquette

C’est une étape des plus importantes, que l’on traite «assez fréquemment» en interne, car une relecture pro coûte cher (au moins à l’échelle d’un petit éditeur). Suivant le professionnel qui vous fait ça, les prix peuvent grandement varier, allant de 10€ à 40, voire 50€ par tranche de 10'000 sec (signes espaces compris). À 10€, interrogez-vous sur la qualité du service proposé, à 50€… faites de même. Pour un bouquin comme Trois nuits, je suis allé vers des gens de confiance (qui de plus avaient déjà bossé sur le texte auparavant, ce qui m’a valu une belle ristourne).

Sans ça, comptez dans les 1'000€ pour 410'000 sec (grosso modo, un bouquin de 280 pages assez aérées).

*Pourquoi des sec plutôt que simplement compter le nombre de signes ou de mots? C’est simple, les espaces sont tout aussi importants que les mots eux-même etuntexte sans espacesgéréscorrectement est abominableàlire,sinonimpossible).

Quatrième poste: Mise en page (maquette)

Autre étape cruciale dans la conception d’un livre: la maquette (extérieure et intérieure). Non, il ne s’agit pas simplement de sauter des lignes et mettre des titres de chapitres, c’est un travail qui prend en compte beaucoup de paramètres:

  • La colorimétrie,
  • l’organisation des visuels,
  • la recherche sur les polices de caractères utilisées,
  • l’agencement de l’espace intérieur,
  • l’identité d’une gamme…

Comme pour le reste, si vous tirez à l’économie ou ne prenez pas conscience de l’importance que cela revêt, vous courez droit dans le mur en risquant un résultat médiocre. Le pire dans tout ça? C’est que c’est un élément qu’assez peu de gens remarquent… sauf quand c’est raté. Monde ingrat. Je ne vous cacherai pas que ça faisait partie de mes angoisses pour les premières parutions de la collection A[syn]chrone, étant donné que PVH éditions a placé la barre très haut avec la collection Ludomire. Finalement, les premiers retours sont positifs, signe qu’on a fait du plutôt bon boulot dans ce sens. Ouf. Niveau coûts, on trouve à nouveau de tout et cela peut vous coûter de 70€ (mais heu…) à 1'500€ (MAIS HEU…). Pour A[syn]chrone, nous sommes à 300€ environ pour une maquette de livre.

*À noter: nous avons pour ambition, tant chez PVH éditions que chez Asynchrone, d’internaliser le processus de mise en page/maquette à moyen/long terme. Le but: consolider notre identité et limiter le recours à des prestataires externes pour garder la main sur les délais. Dans ce sens, nous avons entrepris un processus de formation aux différents outils (dans un premier temps Scribus) qui répondent à nos attentes en matière de licence libre (grrrrr Adobe) et va se poursuivre jusqu’à que nous ayons la capacité de produire un travail de qualité.

Cinquième poste (et non des moindres): L’impression

Nous avons fait le choix de rapatrier la fabrication des livres en France, en dépit d’un coût forcément plus élevé que dans les pays de l’est, afin d’améliorer plusieurs facteurs: les délais de fabrication/livraison, notre empreinte carbone, la communication avec l’imprimeur. Les livres sont désormais imprimés à moins de 200 km de la maison d’édition et moins de 250 km des entrepôts de notre distributeur. Cela nous permet de réduire les distances de trajet et de pouvoir être réactifs en cas de soucis en travaillant dans un périmètre restreint.

Concernant la production en elle-même (impression, fabrication et livraison), nous prévoyons des tirages de 1'000 exemplaires par titre et essayons de grouper les parutions afin d’optimiser les commandes de papier et la logistique. Pour Trois nuits et Rush, le montant de l’opération s’élevait à 7'000€ ttc.

Sixième poste: Promotion et vente

Nous privilégions les envois de services presse aux pages publicités, car finalement il nous parait plus intéressant d’être au plus proche du lectorat. Pour ce faire, les envois sont le plus souvent à destination de lectrices et lecteurs spécialisés dans la SFFF dont les communautés se trouvent sur Mastodon, Instagram, Facebook, Youtube… Nous communiquons également sur ces différents réseaux directement. Coût moyen de ce mode de diffusion : 300€ par titre.

Pour la présence sur les salons, qui reste l’un de nos canaux les plus efficaces en termes de rencontre avec notre public, il faut compter entre 300 et 1'000€ par stand, en fonction des évènements, auxquels viennent s’ajouter les frais d’hébergement et le défraiement des frais de déplacement. Coût moyen d’un salon: 1'000€.

Si l’on se livre à un rapide calcul, publier un livre nous revient donc à peu près à:

  • 500€ d’à-valoir
  • 400€ d’illustrations
  • 1'000€ de relectures
  • 300€ de maquette
  • 3'500€ d’impression (1'000 exemplaires)
  • 300€ de communication
  • Le coût des salons est difficile à estimer, puisque lors de chaque évènement, nous mettons en valeur l’ensemble de notre fond et que le nombre de salons varie d’années en années. Si l’on fait une moyenne approximative pour une dizaine d’évènements annuels, répartie sur l’ensemble des titres de notre catalogue (une trentaine de titres), on peut arriver à un montant par titre de plus ou moins 250€/an. Mais ce chiffre reste à prendre avec des pincettes, puisque les salons ne servent pas uniquement à la promotion et nous permettent de réaliser des ventes, fidéliser un public, faire du réseau…

Mis bout à bout, tout cela nous donne la modique somme de (roulement de tambour)… 6'250€ de coût de production d’un titre.

Alors, les plus perspicaces d’entre vous n’auront pas manqué de relever que je ne parle ici que des coûts fixes liés à la production… il manque un facteur dans tout ça: le travail éditorial (mon salaire quoi).

Schématiquement, entre lecture, relecture, sélection des manuscrits, temps d’échange avec les auteurices, gestion administrative et logistique, on peut ajouter un bon 3'000€ par titre, pour un total avoisinant donc les 10'000€.

Voilà, le chiffre est tombé… Je vous laisse le soin d’imaginer combien d’exemplaires de chaque livre nous sommes tenus de vendre pour espérer ne serait-ce qu’amortir les coûts de fabrication et de fonctionnement des maisons d’édition.

Quand je vous dis qu’avoir des salariés est un geste fort symboliquement dans l’édition, je ne plaisante pas.

En conclusion

Une maison d’édition a beau être une entité économique, elle n’en reste pas moins gérée avant tout par des passionnés, pour d’autres passionnés. Le seul moyen d’exister face aux «Grands groupes» (restons polis jusqu’au bout, il serait dommage de craquer maintenant) lorsque l’on est confronté à la réalité économique du marché du livre, c’est de s’investir personnellement. Qu’il s’agisse de temps de travail, de déplacements, de représentation de la maison d’édition, aucun d’entre nous ne compte devenir riche en vendant des livres, si ce n’est de rencontres et d’échanges qui justifient à eux seuls les efforts consentis. Gardez tout ça à l’esprit la prochaine fois que vous tomberez sur un post Facebook qui proclame haut et forts que les éditeurs sont tous pareils et ne pensent qu’à tondre la laine sur le dos des auteurices. L’édition indépendante est et reste aujourd’hui ce qui permet à la littérature de maintenir une pluralité de voix dans un paysage médiatique trusté par des entités souvent odieusement politisées et guidées uniquement par le prof…

«- M. Marx, M. Marx… vous voulez bien lâcher tout de suite ce clavier !?! Vous n’avez rien à faire ici, c’est l’ordinateur de M. Barthélémy!!!»

David BARTHÉLÉMY, pour PVH éditions et les Éditions Asynchrone

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